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EXTRAIT DE "LES ENRAGÉS"

Dans les rues sombres et froides d’une triste ville où les faibles lueurs de quelques réverbères agonisaient dans l’ombre…

Sous le regard impitoyable d’un astre lunaire aussi blanc et brillant que le reste du ciel était noir et sans âme…

À la lumière des quelques chuchotements que le vent s’attardait encore à lancer aux oreilles des dernières silhouettes vagabondes qui rentraient d’un pas pressé rejoindre la chaleur mielleuse de leur appartement miteux…

Dans une petite rue commerçante, aux allures de cour des miracles, où s’alignaient les vitrines grillagées autant que les poubelles débordantes…


Thibault forçait comme un malade sur le manche de son pied-de-biche, attendant avec impatience le moment où ce foutu cadenas allait céder. De son front coulaient en cascade des perles de sueur, traçant dans la poussière qui recouvrait sa peau de salines crevasses. Ses mains étaient complètement rouges sur le dessus et l’on voyait la forme de ses os en tendre les tissus. À ses côtés, Alex et Kévin montaient la garde, au cas où quelqu’un arriverait avant qu’ils ne soient entrés. L’un, posté contre une boîte aux lettres, fumait une roulée, les yeux rivés sur le bout de la rue. L’autre, assis sur le capot d’une voiture garée à côté d’eux, passait le temps en grattant la peinture de celle-ci, y gravant une sorte de gros sexe poilu et quelques injures sûrement dirigées vers le propriétaire dudit véhicule. Les grattements de son couteau et les quelques craquements du cadenas qui se déformait sous les efforts répétés de Thibault étaient les seuls bruits que l’on pouvait entendre dans cette rue profondément endormie.

C’est dans l’après-midi que les trois ados avaient décidé de cambrioler ce magasin de matériel vidéo. Ils avaient l’intention de revendre le lendemain quelques lecteurs DVD et autres caméscopes pour se faire un peu de fric et se défoncer avec de la meilleure came que d’habitude. Toute la journée, ils fumaient l’herbe dégueulasse que leur fournissait le seul dealer du coin et s’injectaient dans les veines toutes sortes de produits toxiques. C’était le lot quotidien de toute la jeunesse de la zone des bas salaires, qui passait la plupart de son temps à essayer d’oublier la couleur grisâtre et sans âme de sa vie.

Extrait de Les enragés: À propos
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