INTERVIEW PAR WAHID BENNANI (POÈTE)
Propos recueillis au début de l'écriture des Enragés
Wahid Bennani : Bonsoir Pierre ! J’aimerais avant tout savoir quand vous avez commencé à écrire et ce que signifie l’écriture pour vous.
Pierre Pellegrini : Bonsoir Wahid ! J’ai commencé à écrire à l’âge de quinze ans. J’exprime certaines choses en chansons, d’autres en parlant, et l’écriture est un moyen supplémentaire pour exprimer des choses encore différentes. C’est comme un autre langage. Quand j’ai du mal à définir certaines idées en parlant, alors je les écris. C’est aussi un moyen de s’évader et de vivre d’autres histoires, comme lorsqu’on lit un livre.
Wahid Bennani : Quels sont les auteurs qui vous ont marqué ?
Pierre Pellegrini : Prévert (Paroles), J.J.R. Tolkien (Bilbot le hobbit, Le seigneur des anneaux), Stephen King (Brume, La rage), Georges Orwell (1984).
Wahid Bennani : Que représente la poésie pour vous ?
Pierre Pellegrini : Pour moi, la poésie, c’est l’Harmonie avec un grand H. L’harmonie des mots, disposés ensemble comme les ingrédients d’un plat savoureux dont la lecture nous laisse un goût différent à chaque fois, l’harmonie des couleurs, des sensations… c’est aussi rester assis dix minutes à observer une araignée qui tisse sa toile, et se rendre compte qu’une heure est passée. C’est aussi savourer chaque seconde comme si c’était la dernière, et avoir un regard objectif et observateur sur tout ce qui nous entoure.
La poésie, c’est aussi, et surtout, l’art de faire ressentir au lecteur un sentiment, une impression, au travers des mots qu’il lit.
Wahid Bennani : À quel moment de la journée écrivez-vous d’habitude ?
Pierre Pellegrini : J’ai tout le temps mon petit carnet sur moi. Ainsi, j’écris tout le temps. Dans le bus, chez moi, assis sur un banc, au boulot… dès qu’une idée passe, je l’inscris.
Wahid Bennani : Avez-vous déjà eu le fameux blocage ?
Pierre Pellegrini : J’ai effectivement eu ce blocage lors de l’écriture de mon prochain roman, « Les enragés », et je suis resté sans mots, devant cette page, ou plutôt cet écran blanc, pendant deux ou trois mois.
Wahid Bennani : Quels sont les thèmes prédominants dans vos écrits poétiques ?
Pierre Pellegrini : Les deux thèmes revenant le plus souvent dans mes poèmes sont l’amour et la haine.
Wahid Bennani : Pourquoi donc ?
Pierre Pellegrini : Ce sont, je pense, les deux thèmes les plus utilisés en poésie, et, en y réfléchissant un peu, on peut trouver un sens à cela. L’amour et la haine, comme la vie et la mort, le blanc et le noir, ou le bien et le mal… l’un ne va pas sans l’autre, et tous ces duos célèbres offrent à eux seuls un large panel de sensations et de sentiments, ainsi que de questions existentielles.
Wahid Bennani : Avez-vous conservé tous vos Papiers, vos écrits de jeune poète ? Pourquoi ?
Pierre Pellegrini : Tous les poèmes de mon premier recueil ont été écrits sur des feuilles volantes, ou des cahiers que je conservais dans mon sac à dos. Ils m’ont suivi partout et ont été mon bagage au sens propre comme au figuré. J’ai voulu les brûler, une fois, histoire de tirer un trait sur le passé, et puis je n’ai pas pu m’y résoudre.
Wahid Bennani : Vos personnages romanesques que vous avez créés représentent-ils
des personnages que vous avez connus auparavant ?
Pierre Pellegrini : Certains, oui. Les prénoms, en tout cas, sont presque tous des déclinaisons ou les prénoms véritables de gens que j’ai pu côtoyer, de près ou de loin. Certains jouent leur propre personnage, d’autres non.
Wahid Bennani : La poésie et le roman, qui des deux vous a le plus influencé ?
Pierre Pellegrini : La poésie influence largement le roman en ce qui me concerne, et je me prends parfois à tourner des phrases ou à faire des rimes comme si j’écrivais un poème. Je dirais qu’un peu de poésie dans un roman peut lui donner un petit côté plus léger, alors qu’un poème n’a pas besoin d’être tout un roman pour être joli. Quelques mots suffisent.
Wahid Bennani : Pourquoi SL4 débute-t-il par l’histoire de deux enfants maltraités ?
Pierre Pellegrini : Je n’en sais rien. En fait, quand je commence un roman, je ne me dis pas qu’untel va faire ça, ou un autre ça. Je me laisse porter par l’histoire, comme dans un rêve, ou un film, et je me contente d’écrire tout ça. Je laisse le soin à mon imaginaire de me conter l’histoire qu’il veut, ne m’autorisant qu’à peine un droit de censure. Sur SL4, j’ai commencé par un poème, écrit sur une plage, près de Noirmoutier, et puis j’ai imaginé cette fillette, qui le lisait, et je me suis senti très impatient de savoir ce qui allait lui arriver. Je n’ai appris que plus tard qu’elle avait un frère, et quelle était leur vie.
Wahid Bennani : Pourquoi réserver cette fin atroce aux personnages de la marraine et du père ivrogne ?
Pierre Pellegrini : Là , j’avoue que je me suis fait un petit plaisir. Mais après tout, ils méritaient au moins ça… non ?
Wahid Bennani : Évidemment ! (Sourire) Comptez-vous faire un roman autobiographique, vu l’expérience de la rue que vous avez eue ?
Pierre Pellegrini : Ce n’est pas du tout dans mes projets, mais qui sait ? Pourquoi pas ?
Cependant, je détesterais tomber dans les clichés du genre « La belle et le clochard » (version gore), et puis il faudrait que je me sente capable de décrire tout ça en détail… et ce n’est pas le cas.
Wahid Bennani : L’idée de la publication est venue avant ou après votre mariage ?
Pierre Pellegrini : L’idée m’est venue bien après mon mariage, il y a un an ou deux.
Wahid Bennani : Où en est votre femme dans tout ce que vous faites ? À quel point a-t-elle participé dans votre vie littéraire ?
Pierre Pellegrini : Ma femme y est pour beaucoup si tout cela s’est concrétisé. En effet, je n’osais pas trop me lancer, et elle m’a aidé à prendre la bonne décision, donnant des conseils, des idées…
Elle souffre beaucoup du manque de temps que cela crée et nous sommes souvent obligés de faire des compromis, que ce soit pour moi ou pour elle.
Wahid Bennani : Vous lit-elle ? Vos enfants vous lisent-ils aussi ?
Pierre Pellegrini : Mes enfants sont encore un peu petits pour ça, mais ma femme me lit parfois. Elle a lu la majeure partie de mon recueil de poèmes (Mes 10 ans) et pas mal de pages de mon roman (SL4), lorsque je l’écrivais.
Wahid Bennani : Vous discutez ensemble de l’ouvrage avant de l’envoyer à la publication ?
Pierre Pellegrini : Nous discutons ensemble de la publication elle-même et de ce qu’elle peut nous apporter, plutôt que de l’ouvrage, à propos duquel ses commentaires sont tout de même écoutés avec attention.
Wahid Bennani : Vous comptez faire un roman réaliste, un jour ?
Pierre Pellegrini : Tout dépend de ce que l’on peut se permettre d’appeler un roman « réaliste ». Je pense que le prochain (Les enragés) sera réaliste, puisqu’il n’y est question ni ne monde parallèle, ni de petits hommes verts, mais bien d’une hypothèse sur l’évolution de notre société, et d’une intrigue tout à fait terre-à -terre. Mais est-ce bien réaliste de se projeter dans l’avenir ?
Wahid Bennani : Quels en seraient les personnages ? Pareils à ceux de SL4 ?
Pierre Pellegrini : Si tant est que « Les enragés » soit donc réaliste, alors je le prendrais comme exemple.
Les personnages y sont un peu du même genre que ceux de SL4, dans la mesure où ce ne sont que des gens comme vous et moi, sans pouvoirs magiques, et sans autre beauté que celle qui est propre à chacun d’eux.
Les personnages principaux sont :
— La famille Stamford : famille bourgeoise avec deux enfants et un caniche.
— Viviane : une femme tourmentée et mystérieuse.
— Thibaud, Kévin, et Alex : trois amis vivant dans le quartier pauvre.
— Le vieux Bill : vieillard rescapé d’un Centre de Redressement Mental.
Wahid Bennani : Connaissez-vous des écrivains maghrébins ? Lesquels ? Par quels ouvrages ?
Pierre Pellegrini : Pas du tout, mis à part toi, Wahid… mais j’aimerais beaucoup savoir à quoi ressemblent les mots au-delà de ces foutues frontières.
J’en connais un grec, par contre, que je vous conseille vivement de lire. C’est le poète Odysseus Elytis (Voie privée).
Wahid Bennani : Merci Pierre pour cette entrevue qui nous a beaucoup éclairés sur vos projets passés et ceux à venir. Nous vous souhaitons une bonne continuation.